« Ici, c’est le Guantanamo à la Française… » (2)

Le « Guantanamo à la Française » est l’expression employée par un ancien retenu du Centre du Mesnil Amelot, pour décrire la réalité qu’il y a vécue. C’est devenu le titre d’une série d’articles-entretiens que nous publions sur le site Info-CRA, avec des retenus qui sont souvent des anciens détenus, sortants de prisons, et qui comparent presque systématiquement le CRA et la prison. 

Islem est algérien. Il a 19 ans, et se trouve enfermé au CRA du Mesnil Amelot. Sortant de prison, il a été envoyé à Fresnes au quasi lendemain de sa majorité. Après 13 mois en maison d’arrêt, il a été amené  en GAV puis au Lieu de Rétention Administrative (LRA) de Choisy-le-Roi, avant d’être amené au CRA. Jusqu’à son arrivée au Mesnil-Amelot, il ne savait rien de ce qui lui arriverait, la police lui a menti en le rassurant sur tout ce qu’il allait se passer. Il a maintenant une OQTF de 3 ans. 

 

Peux-tu nous parler de ce que tu as vécu en France? 

Je suis arrivé en France en 2015, j’avais 16 ans. Quand je suis venu, je savais que je n’avais rien. Je dormais un peu n’importe où, je me cachais. Je vendais n’importe quelle drogue. Une fois, j’étais dans un squat. A 5 heures du matin, la police est venue, nous a expulsé et après un passage au commissariat ils m’ont laissé à la rue, en plein hiver.

J’étais mineur, mais j’ai pas été pris en charge. J’ai été mis à la rue. Je pouvais pas faire de documents. J’ai ramené des preuves de ma minorité, j’ai eu un entretien. J’ai fait faxer mon acte de naissance, mais ils ne croyaient pas au fait que c’était un vrai. Ils ont refusé mon dossier.

Je me suis ensuite fait arrêter par la police pour cambriolage, mais je ne sais pas pourquoi. J’étais devant un bâtiment et la police m’a arrêté. Ce qui est sûr, c’est que c’était raciste, l’arrestation. Même au bled, la police est plus sérieuse.

 

Et donc ensuite tu as fait de la prison?

Quand je me suis fait arrêté, j’ai eu un mandat de dépôt. J’ai attendu 13 mois avant d’être jugé, et j’ai été condamné à 6 mois. Donc j’ai fait 7 mois gratuits.

En prison, j’ai rien, j’ai pas de famille, j’ai pas pu travailler, donc pas d’argent, donc pas de clopes, et m’a copine m’a quitté. J’ai galère.

J’ai pas pu travailler à la prison, j’étais sur la liste d’attente. Normalement, c’est deux-trois mois d’attente. Mais après 13 mois, j’ai jamais travaillé. Ils aimaient pas les arabes ils étaient racistes. J’ai été voir le chef qui m’a promis un travail le lendemain, mais rien.

J’aime bien la France, mais franchement, j’y ai rien gagné. Mais je redescendrai pas au bled, ça fait trois ans que je suis là.

 

Et tu as été amené au CRA.

Oui. La prison, c’est mieux qu’ici. Ici, tu manges rien, rien ne rentre, même quand on amène quelque chose. Le temps ne passe pas, on n’a le droit de rien. Et il y a du racisme de la police.

On est traité comme des animaux. J’ai mal aux dents: on me donne un doliprane. On m’a dit « pas de dentiste, attends 45 jours ». En prison, il y a un dentiste pour 3 ou 4 000 détenus, mais tu y passes. Ici, il n’y a personne. Et personne ne t’amène à l’hôpital.

Ici, il y a des gars qui pètent des plombs. Il y a trois jours, BS a avalé des pièces et des lames de rasoir pour ne pas être embarqué. Il a été amené à l’hôpital. Puis il a fait une GAV deux jours plus tard, à son dernier jour, à l’aéroport où on voulait le mettre dans l’avion. A la fin il est sorti. Un autre Algérien aussi a pété un cable. Le consulat a fini par lui faire un laisser-passer. Il pleure et il a envie de s’évader. Ca fait presque un mois qu’il est là.

Finalement, je vous le dit. J’ai passé ma jeunesse en prison. Je suis jeune, et ils m’ont tué.

Vector illustration of a man lock up in prison

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